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Le cynorhodon
6 juin 2015

Le syndrome des tagliatelles de viande

Il est bien connu que la bonne viande de bœuf est chère. Surtout quand on l'aime épaisse, tendre et saignante. En ces temps de crise, il faut souligner la solution mise en place depuis longtemps par nos voisins italiens. Il s'agit de découper de fines lamelles dans des morceaux pas toujours nobles et de les faire bien cuire. La finesse compense le manque de tendreté. On peut voir dans cette approche "l'art de contourner le problème". Dans ce domaine, les italiens sont très forts. On appelle aussi cela "la combinazione".

Cela me mène au cœur du sujet: la réforme du collège. Je n'ai pas été souvent en France ces derniers temps, ce qui m'a obligé à me concentrer sur des sujets mineurs comme les tremblements de terre au Népal, les fosses communes de réfugiés en Thaïlande, les massacres de Daesh et de Boko Haram ou encore l'épisiotomie de la duchesse de Cambridge. J'ai donc cherché à me renseigner sur la Toile ce qu'est cette réforme tant décriée. Ce fut difficile de trouver un site qui parle vraiment du fond. J'ai surtout trouvé des résumés de dialogues qui relèvent de la cour de récréation: Sarkozy qui traite Belkacem et Taubira d'incompétentes, Cambadélis qui crie à la xénophobie et les profs qui se mettent en grève (je ne sais pas pourquoi d'ailleurs, peut-être pour faire un jour de congés comme ils l'ont fait dans l'académie de Toulouse pour l'Ascension). J'ai donc pris rendez-vous avec un prof, qui habite par ailleurs sous le même toit que moi, pour une interview.

Les principaux axes de cette réforme sont:

  1. La mise en place de l'accompagnement personnalisé (3h/sem en 6ième puis seulement une heure par semaine). Cela va créer 4000 postes soit un budget de l'ordre de 200 M€.
  2. La définition d'un socle commun avec possibilité d'ajuster le contenu dans chaque établissement à hauteur de 20% du temps de cours
  3. Mise en place d'activités transverses (EPI): il s'agit de thèmes adressés en même temps dans différentes matières.
  4. Mise en place d'une seconde langue vivante dès la 5ième

Je suis allé approfondir sur le site de l'Education Nationale (c'est d'ailleurs là que j'ai compris pourquoi il faut que les profs soient de niveau bac+5: ce n'est pas pour enseigner mais pour comprendre le discours des pédagogues). Sur ce site, donc, je n'ai rien trouvé sur la suppression du latin, du grec de l'allemand. Par ailleurs, il est mentionné que les programmes ne sont pas figés. Rien ne justifie donc la levée de bouclier sur l'enseignement de l'histoire des religions…! Il semble donc que la réforme en est encore à l'étape structurelle et que le tout doive être finalisé pour la rentrée 2016.

Sur le site de l'Education Nationale, il est mentionné que l'objectif de la réforme est de concentrer les études du collège sur les fondamentaux. Sur le principe je trouve cette idée bonne et je serais allé plus loin en supprimant l'allemand, le grec et le latin (peut-être était-ce l'objectif initial dévoyé par les critiques politiciennes). Comme dit ma femme (signé Colombo), nous n'avons plus les budgets. Il faut donc faire simple et efficace plutôt que riche et complexe.  D’où les tagliatelles de viande.

Mais reprenons les points de la réforme un à un.

L'accompagnement personnalisé d'abord: c'est un dispositif en place au Lycée et qui, visiblement, ne fonctionne pas pour cause d'effectifs trop importants. La création de 4000 postes devrait aller dans le bon sens. Sera-ce suffisant?  Disons que c'est une intention louable, mise en place par la Droite avant d'être décriée par elle-même, mais qui ne répond pas aux contraintes budgétaires du moment. Laissons-nous à rêver: pour que cela fonctionne, il faudrait que les effectifs des classes soient divisés par deux ou que les profs travaillent deux fois plus. Mauvaise pioche donc pour la réforme (et grèves à l'horizon).

Ajustage à hauteur de 20% des heures: encore une bonne raison de créer un collège à deux vitesses. Gageons que la stratégie du Collège Montaigne sera différente de celle du collège Evariste Galois à Sarcelles. On y enseignera peut-être plus l'art d'éviter les sites pornos sur son I-Phone 6. Hors plaisanterie de mauvais gout, on imagine aisément que certains collèges en profiteront pour anticiper les programmes de l'année suivante en répercutant l'avance jusqu'aux études supérieures. Dans le cadre de concours, les élèves de ZEP n'auront aucune chance. Je veux dire qu'il ne faut pas gommer les différences mais en tirer parti. Dans tous les collèges, il y aura toujours de bons et de mauvais élèves. Il faut donc que chaque collège puisse en tenir compte en créant des classes de niveau plutôt que de créer de bons et de mauvais collèges qui stigmatisent des zones géographiques entières.

Mise en place d'activités transverses: à ce que j'ai pu comprendre, il s'agit de traiter un même thème dans différentes matières. Par exemple et toujours au collège Montaigne, on pourra parler du I-Phone 6 en technologie (comment ça marche?), en éducation civique (pourquoi ne pas aller voir des sites pornos dans les cours de récréation?), en économie (comment faire du fric?), en philosophie (l' en éducation civique (pourquoi ne pas aller voir des sites pornos dans les cours de récréation), en économie (comment faire du fric), en philosophie (est-il nécessaire de créer de nouveaux besoins pour progresser?) et bien sûr en français (comment écrire ses SMS en langage compréhensible). L'activité transverse est ce que j'appelle l'apprentissage de l'esprit de synthèse. Mais avant de maitriser la synthèse, il faut maitriser les différents domaines élémentaires. Compte tenu que les élèves de collège ne maitrisent pas les fondamentaux, il ne faut pas mettre les ours dont on n'a pas encore la peau derrière la charrue qui n'a pas encore de bœufs (ou quelque chose comme cela).

Seconde langue vivante: même pas la peine d'en parler. Il faut maitriser la langue du pays avant toute chose. A la rigueur l'anglais en collège, mais par pitié, n'empêtrez pas les neurones de nos collégiens avec trois grammaires différentes quand ils ne maitrisent que 500 mots de vocabulaire de leur langue nationale.

Au global, donc, l'intention initiale de se concentrer sur les fondamentaux et de couper tous les rejetons imposés par les théoriciens de la pédagogie était louable. Mais le corporatisme, le dogmatisme et la politique ont une nouvelle fois dévoyé l'objectif.

De toute manière, il me semble que le mot de la fin revient à Luc Ferry, dont le nom est prédestiné: le problème vient de l'école et non du collège. Effectivement, on est en droit de se demander si les méthodes appliquées à l'école primaire ne sont pas à l'origine de l'échec au collège. Et de manière générale, pourquoi on a commencé par réformer le lycée, puis le collège et probablement l'école dans les prochaines années. Ne valait-il pas mieux commencer par le commencement? Mais je suis surement trop cartésien.

réforme du collège

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