Le travailleur français est malheureux
Initialement, je voulais afficher le titre comme une interrogation mais c'est finalement une affirmation.
Dans mon environnement, qu'il soit professionnel ou non, j'entends souvent les gens qui travaillent se plaindre. Beaucoup ne rêvent que de week-end ou de vacances, comme si de moins en moins de personnes se réalisaient dans l'exercice de leur profession. C'est dommage car le travail fait partie de notre cadre de vie depuis qu'Eve a cédé à la tentation du Serpent, donc depuis un certain temps en fin de compte. Certes, ce n'est pas le cas de tous et certains aiment encore leur profession qui devient alors une vocation ou, parfois, un sacerdoce.
Pour les autres, les symptômes de désamour pour leur travail sont nombreux. Les français sont de grands consommateurs de psychotropes alors que notre pays est un des plus enviés au monde pour sa Nature, son style de vie et son modèle social, du moins ce qu'il en reste. C'est cela aussi le paradoxe français. D'autre part, le niveau de susceptibilité associé aux questions du travail est élevé: il semble que tout effort ou réforme soit perçu comme la goutte d'eau de trop, comme si les conditions de travail étaient suffisamment tendues pour que toute idée de modification entraîne la suspicion, la rupture et finalement la grève. Les troisièmes symptômes sont les tranches de vie captées dans lieu publics, au bureau ou dans le cercle privé: beaucoup se plaignent de surcharge, de stress, de fatigue chronique et de manque d'intérêt. Signes de morosité.
Pourquoi?
Je pense que l'origine se trouve en partie dans les pertes de compétitivité de nos entreprises consécutive au passage aux "35 heures". Lors de cette transition, les salaires ont été généralement maintenus mais nous avons travaillé moins. Cela a été très souvent compensé par un ralentissement des augmentations de salaire pour équilibrer les coûts de production. C'est la première frustration du travailleur. Et elle est majeure car nous travaillons tous pour vivre, même si certains le font encore pour une certaine reconnaissance de la société via l'entreprise.
En parallèle des "35 heures", l'état a mis en place une surprotection des salariés qui rend les entreprises relativement prudentes vis-à-vis des embauches en CDI. Elles ont donc recours aux contrats à durée limitée (CDD, intérim ou stages) pour limiter les risques d'inadéquation des ressources, que ce soit par rapport aux compétences ou par rapport au besoin dans le temps. Ces contrats temporaires sont la seconde source de frustration, et je le comprends, car ils donnent au salarié l'impression d'être une sorte de marchandise qu’on prend ou non en fonction du besoin, et non une ressource sur laquelle on doit capitaliser. Par conséquent, nous ne pouvons que constater que la surprotection des salariés le dessert en fin de compte. On retrouve d'ailleurs la même problématique pour les locataires de biens immobiliers qui sont souvent pénalisés par une réglementation qui mène les propriétaires à des demandes de garantie de plus en plus exigeantes.
La troisième cause de frustration est aussi une conséquence de la baisse de notre compétitivité. Les entreprises demandent toujours plus d'efficacité à leurs salariés pour réduire les coûts de production. Les salariés se retrouvent ainsi dans une zone d'inconfort permanent. Or l'effort, dans tous les domaines, n'est acceptable que sur un temps limité.
Voilà donc le triste constat des causes de la morosité du travailleur français. Il est temps que nous envisagions le travail différemment, peut-être en nous rapprochant du modèle américano-britannique dans lequel les personnes travaillent plus de jours par an (donc moins de jours de congés) mais moins d'heures par jour. Cela permettrait d'envisager le cycle travail/repos ou profession/privé d'une autre manière en quittant le bureau plus tôt certains soir. Il faudrait également déréguler en partie le Travail pour donner plus de mouvement en facilitant les embauches comme les ruptures de contrat. Mais que n'ai-je pas dit là? Ce serait une révolution: non pas de le mettre en place mais simplement de le proposer!