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Le cynorhodon
25 août 2012

Le plaisir de conduire

Il fût un temps où j'aimais conduire, une voiture j'entends, et si possible une belle voiture. J'aimais partir sans but précis et rouler pour rouler en enchainant les virages sur les petites routes de l'arrière pays niçois ou en « avalant » des kilomètres sur l'autoroute. Je roulais vite sur les petites routes et moins vite sur les autoroutes car ce qui m'intéressait était plus l'accélération que la vitesse pure. J'aimais rouler avec les vitres ouvertes, le vent dans les cheveux et le radio-cassette à fond, que j'alimentais avec des « best-of » de mes vinyles achetés laborieusement mais régulièrement à la FNAC naissante de Nice. J'avais un bon copain quand j'étais étudiant; il aimait aussi rouler et il nous est arrivé de faire Paris-Perpignan et retour dans le week-end juste pour une soirée...

J'aimais aussi entretenir ma voiture. Certes, ce n'était pas de la mécanique de haut vol mais j'appréciais de bricoler pour remplacer les bougies, les différents filtres, la batterie quand c'était nécessaire, ou régler le ralenti de ma Renault 5 (c'était simplement une vis). J'aimais aussi, comme tous les gamins, la trafiquer avec des accessoires de plus ou moins bon goût. Je rêvais aussi. Je rêvais de rouler un jour en Ferrari. Vraiment.

Même si une Maserati m'aurait suffi, je ne rêve plus à toute cette vie associée à la voiture. Tout n'est plus que nostalgie d'une certaine liberté. C'était les années 80.

Je rentre de la Côte d'Azur où j'ai pu apprécier les progrès faits en matière de radar automatique. Si je ne me suis pas fait photographier, c'est un peu de la chance mais aussi grâce à une attention de tous les instants pour suivre les changements de limitation de vitesse. Sur l'autoroute, on passe de 130 à 110 à 130 à 90 en quelques kilomètres. J'ai l'impression que je fais plus attention aux radars qu'aux autres voitures. Un comble, non? Dans ces conditions, pas question de savourer l'instant présent mais, à la place, l'angoisse permanente du flash qui vous stigmatise et vous fait perdre vos points par la même occasion. Dans le moindre village, des zones de limitation à 30 km/h ont été créées avec force de gendarmes couchés (ou dos d'âne suivant que le gendarme est couché sur le dos ou sur le ventre). J'ai compté douze de ces casseurs d'amortisseurs sur une même route du village des Arcs, dans le Var. Sur les routes, les panneaux d'avertissement, les bandes rugueuses et les signalisations clignotantes vous donnent l'impression d'évoluer dans un jeu vidéo parsemé d'embûches. Car c'est bien le but: montrer que la route est une suite de dangers et d'obstacles que les gentils organisateurs ont bien voulu identifier pour nous faciliter la conduite. Mais trop d'info tue l'info, c'est bien connu.

Il y a aussi la surpopulation routière: encombrements, bouchons, vitesse ralentie pour réguler le trafic, contrôles routiers qui tétanisent les automobilistes, transhumances estivales, etc...

Je ne roule plus, non plus, les vitres ouvertes et les cheveux au vent d'une part à cause à la systématisation de la climatisation et d'autre part parce que je n'ai plus beaucoup de cheveux... la conduite d'aujourd'hui est plus feutrée, plus civilisée mais aussi liberticide. Certes, cela a permis de réduire par une facteur deux le nombre de tués sur les routes, chose que je ne remets nullement en cause ici, et qui vaut bien les sacrifices liés aux contraintes nouvellement imposées.

D'un autre coté, les voitures sont devenues des objets complexes, très complexes, et il n'est plus question de faire l'entretien soi-même. Même mon petit garagiste de quartier est équipé d'un ordinateur pour vérifier si tout s'est bien passé depuis la dernière vidange. J'ai récemment eu à demander à mon garagiste de changer une fusible que je ne trouvais pas parmi les quatre boites à fusible de notre bétaillère. Pas question de changer la batterie seul: il faut démonter l'ensemble du filtre à air pour y accéder! Même pour changer une ampoule de phare, il faut être outillé. Pas question non plus de faire la vidange soi-même: trop d'huile pourrait tuer le turbo (qui comme chacun sait ne se déguste pas à l'huile mais au sabayon de champagne).

Voilà donc comment les voitures ont perdu une part du rêve qu'elles véhiculaient. On peut alors se poser la question de la justesse des campagnes de pubs qui misent toujours sur le plaisir et le rêve, alors que conduire est devenu une contrainte stressante. D'ailleurs, on notera que les plus belles et plus puissantes berlines sont actuellement fabriquées en Allemagne, pays où la liberté sur les routes est plus grande qu'en France, particulièrement en terme de vitesse. Existerait-il un lien de cause à effet?

Il est temps que les constructeurs français se remettent en cause et vendent leurs produits sur des valeurs différentes de celles utilisées jusqu'à présent: il n'y a plus de plaisir ni de rêve, mais de la fonctionnalité, de la facilité, de la convivialité et de l'aide à la conduite. Un peu comme Renault avait tenté de le faire avec les « voitures faciles à vivre ».

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Commentaires
M
Avis pleinement partagé, qu'est ce que je l’aimais ma 4l et qu'est que je la bichonnais avec l'aide des cahiers de l'automobile.<br /> <br /> Je me souviens d'un trajet Paris Nice, où j'étais heureux car il y avait pas mal d'heures de conduite, je m'étais arrangé pour en faire le plus possible la nuit de préférence sur les parcours hors autoroute (Grenoble - Nice) un régal.<br /> <br /> En 82, je redescendais en perm de Barcelonnette à Nice en 4L bien sur et au printemps dès que la route était déneigée, j'empruntais le cols de la Bonnette (le + haut d'Europe). Je finissais en 1ere et entre deux murs de neige de 4m de haut, je ne risquais pas la sortie de route avec ces glissières extraordinaires !
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