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Le cynorhodon
16 décembre 2013

L'engrais

Vous avez surement dû aller dans une jardinerie et réagir comme moi face aux belles plantes qui figurent dans les allées. Les végétaux sont tellement beaux qu'on a parfois l'impression qu'ils sont faux. Feuilles d'un vert profond et brillant, fleurs dignes d'une œuvre d'art, pas une tache de maladie. Bref du botaniquement correct, voire très correct. Vous vous demandez même pourquoi les plantes sont plus vertes ici que chez vous, un peu vexé quand même. Mais vous admettez qu'une telle plante ferait un bel effet dans vos WC et vous en achetez une. Les choses se compliquent à partir de ce moment. Alors que vous avez demandé la quantité d'eau hebdomadaire et l'exposition lumineuse que doit recevoir la plante, celle-ci ne tarde pas à donner des signes de fatigues: des taches apparaissent, les feuilles jaunissent, la floraison se tarit et vous êtes très déçus. Si vous êtes courageux, vous retournez au magasin et on vous explique que vous l'avez trop ou trop peu arrosée ou que la lumière de vos WC ne convient pas. Mais ce qu'on ne vous dit pas, c'est que la plante que vous avez vue dans le magasin a été exposée continuellement à la lumière artificielle optimisée pour la croissance, qu'elle a été soumise à des doses d'engrais savamment dosées et que ses feuilles sont aspergées d'une substance proche d'un vernis pour les rendre luisantes. Pas étonnant donc que la plante soit moins belle chez vous (à moins que vous ne recouriez aux mêmes artifices).

Eh bien, c'est un peu pareil pour les humains. Les personnes qui réussissent à l'heure actuelle font appel à des artifices aussi multiples que complexes. D'abord la communication qui est devenue un outil essentiel à la réussite professionnelle. Il ne sert à rien d'avoir des résultats si on ne sait pas les mettre en valeur. Pour les personnes haut placées, la communication est un enjeu majeur et des armées de "communicants" travaillent à trouver le bon mot, la bonne tournure ou la petite phrase qui marquera les esprits. Les communicants, présents surtout en politique, dans la pub et dans les grandes entreprises qui ont les moyens de se les payer, sont le vernis sur la feuille de la plante que vous achetez en jardinerie. Ensuite, on trouve le coaching. Cela consiste, si on veut faire simple, à demander à une personne neutre ou supposée l'être, un avis sur différentes facettes de sa propre personnalité: manière d'être, façon de s'habiller, maintien, aspect externe, défauts à corriger. Cela peut donner lieu à une sorte de cours particulier pour permettre à "l'élève" de progresser vers un poste supérieur ou se présenter à une élection. Cela se retrouve aussi dans les études de nos enfants. Les classes préparatoires privées sont une forme de coaching qui vise à faire mieux que les autres pour entrer dans une école prestigieuse. Le coaching est l'engrais et la lumière qui permettent aux plantes de votre jardinerie d'être si attirante.

Mais la comparaison ne s'arrête pas là, vous vous en doutez. De la même façon que les plantes s'avèrent décevantes quand elles arrivent chez vous, les personnes dopées à la communication et au coaching peuvent s'avérer tout aussi décevantes quand elles arrivent au poste qu'elles visaient. Pourquoi? Parce qu'elles ont été poussées au maximum de leurs possibilités et que la réalité de leur poste est parfois juste au niveau de leurs capacités: elles n'ont pas de marge de progression. En fait nous manquons de personnes réellement brillantes, qui arrivent parce qu'elles rayonnent, qu'elles ont le succès en elles, et qu'elles auront encore du potentiel après avoir atteint ce qu'elles visent. C'est surtout vrai en politique. Quand je pense que nous allons avoir à faire le choix entre Sarkozy et Hollande aux prochaines élections, je deviens sombre. Mais qui d'autre? Rien à l'horizon…

Le problème par rapport à cet état de fait est qu'il n'est pas possible de revenir en arrière: à partir du moment où une personne utilise les artifices du coaching ou de la communication, les autres doivent en faire de même, au risque de perdre. C'est également vrai pour les études: à partir du moment où certains élèves, aussi doués soient-ils, font appel à des prépas privées, tous les autres doivent en faire de même s'ils veulent avoir une chance. Car le nombre de places est limité.

Comme pour les plantes, tout ce système est le reflet d'une volonté de croissance effrénée qui vise l'efficacité à tout prix. On retrouve cet état d'esprit aussi  dans le sport, avec le dopage évidemment ou le coaching qui, je crois, vient de ce domaine. Mais un jour nous aurons atteint une limite dans nos possibilités et nous nous mettrons à plafonner. C'est à ce moment-là que les grands hommes feront de nouveau la différence. Du moins je l'espère.

plantation cannabis

Plantation de cannabis en appartement

 

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