Le nivellement par la communication

Que dire de la communication? Tout d'abord, on peut d'emblée affirmer que c'est ce qui manque à l'amant de Julie Gayet quand on voit ce qui s'est passé récemment au salon de l'agriculture. Pour être plus positif, la communication est avant tout une très belle chose. Elle a probablement permis à l'humain de se hisser au-dessus du niveau des bêtes en permettant de propager la connaissance d'abord par la parole puis par l'écriture. Elle permet aux couples de vivre 50 ans ensemble en ne s'engueulant qu'une fois par jour et à nos diplomates d'éviter des catastrophes. La communication fut donc d'abord un outil de progression, mais elle est devenue essentielle dans notre monde pour maitriser l'image que l'on donne de soi, de son entreprise, de son gouvernement. Les sociétés, les partis politiques, les gouvernements ont tous leur cellule de communication et il n'est pas une information cruciale qui soit passée au crible de ces techniques de com' en préalable aux réactions officielles, particulièrement en période de crise. On voit même apparaitre des "communicants", des sortes de coachs qui conseillent les grands de ce monde pour ajuster leur image au besoin des foules. Un des premiers à avoir recours à ces méthodes en France fût François Mitterrand avec J. Séguéla. C'est à lui qu'on doit la célèbre "force tranquille" de la première campagne mitterrandienne. Ceci étant, la communication ne fait pas tout et ne fonctionne que si le terreau est bon: J. Séguéla fût également en charge de la communication de la campagne de L. Jospin avec le succès que l'on sait… La communication ne serait donc qu'une mise en valeur, le maquillage de la mariée? Certes, mais on connait maintenant les prouesses du maquillage.

Mais la communication n'a pas que des côtés positifs. En maitrisant systématiquement les messages et les images renvoyées, on en arrive à n'avoir plus qu'une image passée à Photoshop: très belle mais loin de la vérité. On voit de moins en moins de personnes qui sortent du rang. Les quelques qui s'y risquent s'expose au bannissement. Par exemple, ce qu'on appelle les "courants" des partis politiques (en termes moins politiquement corrects, ce sont les dissensions) posent de sévères problèmes de communication, épicés par les analyses des journalistes, alors qu'ils devraient être un moyen de progresser par un échange d'idée. Mais tout doit être uniforme, lisse et donc insipide.

Un autre aspect de la communication est le phénomène qui progresse depuis l'avènement de la micro-informatique. Je veux dire la communication entre vulgum pecus comme vous et moi. Depuis que nous abusons des téléphones portables, des réseaux sociaux et d'internet, plus une information ne peut être conservée par un groupe de personnes plus de quelques heures. Nous sommes tous interconnectés et nous ne pouvons plus rien faire sans que la Communauté soit informée. Premier exemple: dans ma jeunesse, nous nous passions entre copains les bonnes adresses de restaurant ou d'hôtels. Il existait donc des lieux connus de peu de personnes ou l'on se sentait un peu à part. Ceci ne peut plus exister: dès qu'un bon resto est identifié, la nouvelle est immédiatement diffusée urbi et orbi par sms, mail, guide ou réseaux sociaux. Si bien que les bons plans n'existent plus, ou alors sur une durée très limitée. Tout le monde sait tout et tout le monde peut avoir le même niveau de connaissance de notre monde. C'est que j'appelle nivellement par la communication

Le problème est que nous croulons sous l'information fournie par les systèmes de communication: si tout le monde y a accès, tout le monde ne sait pas l'utiliser de manière efficace. C'est un peu comme si on déversait une piscine sur une personne qui a soif: aura-t-elle la présence d'esprit d'ouvrir la bouche pour assouvir son besoin? Il est donc probable qu'un nouveau besoin va se développer dans les années à venir: des outils de synthèse et de tri des informations pour ne retenir que ce qui est utile à la progression. C'est déjà ce que font certains sites Internet qui synthétisent les données pour les voyages, les assurances, les achats de biens de consommation. L'étape suivante est le tri et la synthèse de l'information. Ce sera essentiel car je suis convaincu que nous avons la solution à la plupart de nos problèmes là, sous nos yeux rivés à nos écrans. Mais nous sommes aveuglés par la densité de l'information, accrue par une communication démesurée.

Et pourtant, ce n'est pas nouveau. C'est juste pire.